Les monuments au morts

Le 28 mars 1918, les premiers éléments de la 166e D.I., en voie de débarquement, s’établissent sur la ligne Coullemelle-Thory et son artillerie (224e régiment d’artillerie) prend position sur la ligne Grivesnes-Coullemelle.
Le 29, les 4e et 5e bataillons du 350e de ligne, qui se battaient déjà depuis deux jours, viennent occuper Grivesnes ; L’un d’eux est réduit au tiers de son effectif ; on leur a adjoint des chasseurs à pied (19e et 26e) et une compagnie du génie.
Dès le lendemain, cette poignée d’hommes repousse cinq assauts.
Le 31, dimanche de Pâques, l’ennemi lance contre elle la 1e division de la Garde, une de ses plus fameuses, celle où servent les princes de la famille impériale et où Guillaume II a reçu ses premiers galons d’officier.
Dès 7 heures du matin, les observateurs, dont un sergent, placé dans le village de Grivesnes d’où il suivra toute la bataille, voient les vagues d’assaut se former dans les trous d’obus à l’est et au nord-est du parc.
De 10h30 à 11h30, la préparation d’artillerie, avec des rafales de 150, pilonne les lignes françaises ; parmi les tués, avant l’assaut, il y a déjà un capitaine et cinq chefs de section.
Les grenadiers à pied allemands s’avancent par compagnies accolées en colonnes de peloton ; sous les vagues successives, la première ligne, décimée, est rompue ; les Allemands débordent le parc par le nord et par l’est et, se contentant d’entourer pour le moment le château dont la garnison les crible de balles, ils pénètrent dans le village.
Le lieutenant-colonel Lagarde, qui est enfermé dans le château, fait le coup de feu avec ses hommes ;

A 12h15, il charge un cycliste d’aller porter au colonel commandant l’infanterie divisionnaire, au Plessier, le compte rendu de la situation, qui se termine ainsi :
« Je suis dans le château, j’y tiendrai jusqu’à la mort »

Le cycliste parvient à échapper aux balles allemandes, traverse en trombe Grivesnes, où déjà les Allemands ont pénétré et remplit sa mission.

Aussitôt, le colonel réunit tous les éléments disponibles, fantassins et chasseurs, et les dirige baïonnette au canon sur Grivesnes.
Mais déjà un bataillon en réserve au carrefour des routes de Montdidier et du Plessier, ayant vu les grenadiers allemands envahir la rue de Montdidier, s’est porté à la contre-attaque. Pendant que les hommes nettoient les maisons une à une, délivrant plusieurs prisonniers, le commandant du bataillon et son cycliste s’avancent revolver au poing au milieu de la rue, soutenus par deux autos-mitrailleuses qui balaient les colonnes allemandes.
La rue de Montdidier est rapidement nettoyée et les hommes entrent au château.
Le lieutenant-colonel distribue aussitôt ses renforts sur les lisières du parc et entreprend la chasse aux ennemis.

A 14h30, le détachement du Plessier (171e et 294e RI) arrive à la rescousse ; bientôt les grenadiers allemands sont rejetés du parc ; en vain contre-attaquent-ils, les Français ne cèdent plus un pouce de terrain et l’arrivée d’un bataillon d’un régiment voisin, débouchant du Bois de Coullemelle, assure leurs positions.

La Garde prussienne est battue et a subi d’énormes pertes.

« Le 1er avril, M. Georges Clemenceau, président du Conseil, que l’on surnomme « le Tigre » vient sur place pour se renseigner lui-même de la situation. Ayant sa voiture à quelques kilomètres de là, à pied il va voir « ce qui se passe du côté de Grivesnes »… D’une fenêtre de Septoutre, il inspecte longuement le front… »

extrait de 1918 en Picardie, André Laurent, ed. Martelle